L’enherbement : pilier de l’agroécologie alsacienne
Sur les sols fragiles — sableux, schisteux, pentus — l’enherbement se pose en allié principal contre l’érosion. Selon l’Observatoire Régional des Pratiques Viticoles d’Alsace (ORPVA), plus de 75 % du vignoble adopte au moins partiellement l’enherbement entre les rangs (données 2021). Plusieurs objectifs se conjuguent :
- Limiter le ruissellement et la perte de terre arable (sur pentes > 10%).
- Moduler la concurrence hydrique selon la composition du sol et la vigueur du cépage.
- Favoriser la biodiversité fonctionnelle (insectes, microfaune du sol).
La composition du couvert végétal est adaptée à chaque terroir : sur granite ou grès drainant, on privilégie les légumineuses et plantes profondes pour remonter les éléments minéraux ; sur marne, le choix se porte vers une flore plus robuste pour canaliser l’eau excédentaire.
Lutte contre l’érosion et la compaction : des outils « sur-mesure »
Entre Niedermorschwihr et Kaysersberg, où la pente oscille parfois entre 25 et 50 %, la bataille contre l’érosion est une réalité quotidienne (Source : Chambre d’Agriculture Alsace). De nombreux domaines installent des fascines, talus végétalisés, paillis naturels ou semis localisés en bandes, souvent associés à l’utilisation réduite, voire l’abandon du travail du sol en profondeur, afin de limiter la perturbation structurelle.
- Sols marneux : recours à des passages d’outils à dents pour aérer sans déstructurer ; semis sous le rang pour couvrir les espaces nus.
- Sols granitiques et gréseux : paillage organique favorisant la rétention d’eau ; outils légers pour éviter la compaction mécanique.
Certaines parcelles expérimentent l’implantation de haies sur les talus, voire la plantation de micro-forêts en lisière, pour lutter par l’agroforesterie contre la perte de sol et la baisse de réserve hydrique.
Gestion de la réserve hydrique : équilibre subtil pour la vigne
L’Alsace, longtemps épargnée par le stress hydrique, a vu sa pluviométrie annuelle stagner autour de 600-800 mm (longue période 1980-2020, Source : Météo France), mais avec une répartition toujours plus contrastée. Sur granite ou grès, la facilité de drainage nécessite d’adapter la gestion :
- Enherbement fauché haut ou semi-permanent, pour limiter l’évapotranspiration.
- Amendements organiques structurants, enfouis superficiellement, reconstituant la part fine du sol.
- Arrêt quasi total de l’irrigation, privilégiant des cépages plus résistants (Gewurztraminer tardif, Pinot Noir précoce).
A l’inverse, la rétention excessive dans les marnes peut imposer l’apport mécanique de drainage superficiel ou l’emploi de couverts gélifs, qui mourront à la fin de l’hiver et libéreront le sol pour absorber l’eau plus tôt au printemps.